avril 16, 2024

ENTREPREUNARIAT : DES ESPADRILLES A L’AFRICAINE!

ENTREPREUNARIAT : DES ESPADRILLES A L’AFRICAINE!

L’idée est d’Alexis Dupont Kampé. Ce jeune entrepreneur de nationalité camerounaise inscrit sa marque ADK ONE d’une encre indélébile dans l’univers de la mode. Il se livre dans cet entretien mené Sandrine Babo

Sandrine Babo : Alexis Dupont Kampé, vous êtes le promoteur d’ADK ONE, une entreprise spécialisée dans la réalisation, la confection et la commercialisation d’articles notamment des espadrilles qui est l’identité même de votre marque. Quelle est la particularité de ces chaussures ?


Alexis Dupont Kampé : C’est une espadrille qui a été tropicalisée c’est-à-dire adaptée au contexte africain en général et camerounais en particulier. Vous savez que l’espadrille à la base est une chaussure d’été qui se porte pendant la période estivale en Europe parce que la semelle ne résiste pas aux intempéries. Nous avons pris la peine de travailler beaucoup plus sur ce manquement pour proposer aux amoureux de l’espadrille quelque chose de durable, de solide avec lequel ils peuvent se déplacer n’importe où sans crainte de voir leur chaussure s’abimer. Les espadrilles ADK ONE ont aussi ceci de particulier qu’elles ont pour motif le tissu pagne
S.B : Justement. Avec ADK ONE c’est carrément un retour aux sources. Témoin vos différentes œuvres, chaussures, tee-shirt, casquettes sur lesquelles vous y ajoutez le pagne, une étoffe incontournable en Afrique. Qu’est-ce qui explique ce choix ?
A.D.K : Tout simplement parce que je me suis rendue compte que dans notre environnement les jeunes avaient tendance à beaucoup plus s’éloigner des valeurs africaines qui sont les nôtres, à s’occidentaliser, bien entendu la mode occidentale est belle je ne dirais pas le contraire. Conscient qu’ici chez nous en Afrique nous avons de belles choses qu’on peut mettre en valeur, en avant, c’est dans cette optique que je m’aligne et j’ai décidé d’en faire un combat personnel en proposant des chaussures belles et jolies, des articles avec du pagne.
S.B : Vous utilisez le Ndop par exemple, le pagne traditionnel dans certaines régions du Cameroun notamment en pays bamiléké ? Mais aussi des pagnes traditionnels venus d’ailleurs, du Ghana… Avez-vous un point d’approvisionnement précis ?
A.D.K : Bien entendu j’ai des fournisseurs avec qui je travaille que ce soit pour le ndop en pays bamiléké que ce soit pour le ndop du fako dans Sud-ouest ou un autre pagne d’Afrique. Chez ADK ONE on n’utilise pas que les pagnes camerounais mais de toute l’Afrique. Parmi nos créations vous pouvez trouver des modèles en oting qui viennent de la Cote d’ivoire, du bogolan, du wax et même du Kinte qui vient du Ghana. C’est tout un mélange du beau, de tout ce que l’Afrique comporte de beau
S.B : Quel est le message que vous voulez transmettre en customisant vos créations avec du pagne ?
A.D.K : L’Africain doit commencer à beaucoup plus s’intéresser aux choses de chez lui. En Afrique, au Cameroun, on a de très belles choses qui ne demandent qu’à être mises en valeur. Qu’on n’attende pas toujours que ce soit les autres qui viennent nous révéler ce que nous avons. Nous-même à notre niveau on essaye déjà de prendre le taureau par les cornes. J’avoue que ce n’est pas facile, les gens restent encore attachés au tissu classique. Certes c’est un choix que nous respectons. Nous voulons habitués le jeune, le commun des mortels au quotidien à voir de visu ces pagnes à travers nos accessoires, casquettes, tee-shirts, espadrilles et se dire : « waouh on peut avoir de très belles créations à partir de ces différents pagnes!». En fait c’est ça le message. Que le textile, l’univers de la mode, de la culture du vestimentaire au Cameroun en particulier et en Afrique général prenne tout son envol et que nous les Camerounais apprenions à consommer local.
S.B : C’est en 2016 que vous vous lancez dans cette activité. Etait-ce par passion ou les circonstances de la vie vous y ont conduit ?
A.D.K : C’était beaucoup plus par passion. Je suis un ingénieur. Titulaire d’un master 2 en Logistique et Transport. Je suis certifié Institut National de la Recherche et de la Sécurité (INRS) Paris-France en prévention des risques et des maladies professionnelles en entreprise. Je fais un métier qui me permet de joindre les deux bouts sans vouloir être prétentieux. J’ai découvert l’espadrille au hasard et j’ai eu le coup de foudre. C’est une chaussure que j’ai trouvé super légère, confortable, solide et durable et qui ma foi sied à toutes les circonstances. Pour les week-ends on peut mettre des espadrilles de couleur noire ou bleu avec un pantalon ou une culotte, pour une sortie à connotation traditionnelle tu peux choisir des espadrilles aux imprimés traditionnels. C’est tout ce savant mélange qui m’a inspiré et j’ai eu envie de m’y lancer. Dans la vie on court toujours après quelque chose. Certains courent après la fortune, d’autres après la richesse, la célébrité, moi je cours après l’immortalité. Pour preuve mon entreprise porte les initiales de mon nom ADK (Alexis Dupont Kampé) parce que je compte laisser les traces indélébiles de mon passage, qu’après ma mort que les gens se souviennent de moi, comme quelqu’un qui a fait quelque chose, quelque chose qu’on peut retrouver, quelque chose de palpable
S.B : Revenons à vos débuts. Avez-vous bénéficié d’un soutien, d’un financement pour mettre sur pied votre business ?
A.D.K : ADK ONE est auto financé à 100%. Ce n’est pas évident, c’est même très très difficile de trouver des financements. Des projets y’en a à la pelle et puis des gens ont beaucoup plus tendance à vouloir regarder le gain, ce qu’ils vont gagner rapidement quand ils injectent un cinq francs quelque part sauf que dans le business quand tu veux faire un business sur le long terme ça prend énormément du temps pour pouvoir ouvrir et pour pouvoir rentrer dans ses fonds. Personnellement je n’ai pas encore commencé à couvrir 20% de ce que j’ai investi mais cela ne me dérange pas parce que c’est un processus. J’ai accepté dès la base et je suis prêt à attendre le temps qu’il faudra.
S.B : Trois ans après le lancement d’ADK ONE, où en êtes-vous ?
A.D.K : C’est comme les plans quinquennaux. Par rapport à mes objectifs dès le départ, par rapport aux objectifs que je me fixe chaque année je peux dire sans me tromper que j’ai atteint mes objectifs. Les objectifs ne sont pas forcément financiers à la base. Quand on met sur pied un produit on doit d’abord tout faire pour essayer de faire connaitre le produit et au fur et à mesure quand le produit prend son envol, on tendra à toucher une grande clientèle et forcément derrière les banques vont suivre. Là je suis au niveau de la propagande, de faire connaitre ma marque au monde et à tous les amoureux de l’espadrille et logiquement après on va chuter sur une autre étape qui sera peut-être celle de mieux vendre. Mais pour moi ce n’est pas le plus important pour le moment.
S.B : Quels sont les différents canaux que vous utilisez pour faire connaitre la marque ADK ONE ?
A.D.K : Nous avons un point de vente ici à Akwa, une page Facebook ADK ONE Espadrilles, un compte Instangram ADK ONE_officiel qui est aussi un bon canal de relais pour pouvoir parler de ce que ADK ONE propose. Nous avons également un point de vente à Yaoundé, les médias nous accompagnent aussi. On se bat à travers nos différentes pages pour rester en vitrine, nous sommes à l’ère du numérique faut pas l’oublier surtout que ce business on se démode et on tombe dans l’oubli. Nous innovons tout le temps nous bossons tout le temps. Il faut toujours proposer quelque chose de différent. D’ailleurs c’est le slogan de la marque ‘’ADK ONE quelque chose de différent’’ et on se bat comme ça. Pratiquement tout se passe sur nos différentes plateformes, les booster de temps en temps quand il le faut, faire de petites promotions de temps en temps, organiser de petits jeux-concours, cela permet à nos followers d’interagir et nous de se maintenir
S.B : Et vos clients. Qui sont-ils ?
A.D.K : On a fait une étude du marché par rapport à la qualité du produit proposé on a essayé tant bien que mal de pouvoir trouver une grille tarifaire de nos produits qui pourrait sied à tout le monde. Tout dépend de la passion et de l’amour qu’on peut avoir pour quelque chose. Les prix que nous donnons par rapport à la qualité du produit que nous proposons, nous pensons que nos produits sont à la portée de presque tout le monde. Pour nos espadrilles précisément qui sont l’identité de la marque ADK ONE à la base, le public commence à accrocher loin du complexe d’autrefois des espadrilles venues d’ailleurs. Les gens s’intéressent de plus en plus à ces chaussures parce que nous avons travaillé à fond sur la texture, sur la matière.
S.B : Vos marchandises sont-elles réalisées uniquement sur commande ?
A.D.K : Il y a toujours un stock minimal à la base. C’est-à-dire que nous proposons des articles aux clients qui peuvent les intéresser. Maintenant il y a des clients qui ont des exigences spécifiques et en fonction des exigences on peut donner un délai pour nous permettre de confectionner. Nos espadrilles sont entièrement faites à la main. C’est de l’art à notre niveau
S.B : Votre activité s’appuie sur le concept ‘’Back to the Basics’’. De quoi s’agit-il exactement ?
A.D.K : Le concept ‘’Back to the Basics’’ est un concept que j’ai essayé de développer en parcourant le monde et la société camerounaise. Littéralement c’est le ‘’retour aux sources’’, il s’agit de ramener le Camerounais à la base, à la source c’est-à-dire à nos valeurs culturelles, ancestrales, traditionnelles, nos us et coutumes. Parler nos langues vernaculaires, manger nos mets traditionnelles n’est pas la chose la mieux partagée par nos jeunes. Le concept ‘’Back to the Basics’’ vise à promouvoir davantage la culture camerounaise afin qu’elle reste toujours ancrée dans nos esprits, intéresser encore plus le public camerounais et leur faire comprendre que nous avons des choses à leur proposer et les faire se sentir Camerounais
S.B : Le vendredi 1er février 2019, ADK ONE a pris part à un vernissage/défilé organisé à l’Institut Français de Yaoundé. Un mot sur cet évènement. Comment s’est-il déroulé ?
A.D.K : L’Institut Français a décidé chaque année de mettre en lumière douze jeunes talents-designers-créateurs dans tous les domaines et secteurs de l’art et de la culture, des poètes, des peintres, des dessinateurs et bien d’autres et à travers ce concept j’ai eu la chance d’être désigné comme le designer du mois de février. Je leur dit infiniment merci. Et en prélude à cet évènement qui s’est très bien déroulé il était question qu’on présente à ce vernissage/défilé de mode les créations d’ADK ONE. Pour une espadrille c’était de l’inédit, une réussite car jamais au Cameroun un défilé consacré à l’espadrille n’avait été organisé au Cameroun. ADK ONE peut se vanter d’être le pionnier dans ce domaine et j’espère que cette initiative va ouvrir la porte à mes jeunes frères qui eux aussi ont décidé de se lancer dans ce magnifique travail qu’est le design ou la customisation des espadrilles
S.B : Pour le jeune entrepreneur que vous êtes et qui forcez l’admiration, quel message à l’endroit des jeunes qui comme vous souhaitent embrasser l’entreprenariat mais n’osent pas encore pour diverses raisons. Quel est le maitre mot selon vous ?
A.D.K : D’abord la passion, la foi en ce qu’on veut faire. Ensuite le tout c’est le travail, le travail, le travail. Croire en ces rêves et se dire que tout est possible.

par : Sandrine BABO

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